sanglots du soir
J'aime prendre mes enfants en photos.
Car je peux les regarder sans fin. Même quand ils sont couchés, et que le soir je trie mes photos, et bien j'ai l'impression de profiter d'eux. Encore un peu. D'être avec eux. Je les mange des yeux.
Cela vous arrive de regarder une photo d'eux, et de vous dire...Ils sont juste parfaits ? c'est moi qui ait fait ça ? C'est moi qui ait la chance de les élever ? C'est mon trésor, c'est ma chérie...si parfait(e) ?
Je crois que je suis très sensible sur le sujet des enfants particulièrement en ce moment, car pour tout vous dire ma collègue vit un cauchemar avec son petit garçon de 7 ans. Cela depuis 3 semaines. J'ai appris la mauvaise nouvelle le lundi matin où je prenais l'avion pour les Etats-Unis en Février. Car elle devait prendre le même vol que moi. Je l'ai attendue à l'aéroport, mais elle n'est jamais venue... Et pour cause... Elle était à l'hopital avec son petit ange depuis le samedi. En un week-end, sa vie, leur vie, a basculé. Quand mon collègue (qui est son chef) m'a rejoint à l'aéroport et que j'ai demandé si il avait de ses nouvelles, car je m'inquiétais de son retard, j'ai vite compris à sa tête que quelque chose n'allait pas. Il m'a prise à part et m'a annoncé le verdict :
L.E.U.C.E.M.I.E
Ces 8 lettres mises dans cet ordre ont d'un coup pris tout leur sens.
J'ai éclaté en sanglots.
...
Depuis, je ne l'ai pas revue. Elle est en arrêt. Nous communiquons par SMS. Elle s'organise, digère la nouvelle, prend ses marques, se renseigne, passe son temps à l'hopital, et jongle entre la chimio de son fils, entre son petit bébé de 8 mois à gérer, et tout et tout... Je vois le côté positif ("le verre plein") car il réagit bien au traitement, et les organes ne sont pas touchés. Je sais bien que les cotés négatifs sont là ("le verre vide") comme chambre stérile, perte de cheveux, il ne s'alimente pas, pleure quand ses parents le quitte, s'ennuie, veut rentrer chez lui... Mais j'essaie de lui envoyer des messages remplis d'espoirs, de pensées positives. Pour lui montrer que je pense à elle. Quoi faire d'autre ? je me sens bien impuissante. Je ne suis pas seule bien sûr, mes collègues aussi ressentent cela.
J'avais besoin d'écrire ce soir sur le sujet, car cela est pesant. Elle est assise en face de moi normalement. Sa chaise est vide et me ramène à chaque instant à son histoire. Sa vie de maman a basculé a 34 ans. J'espère pouvoir venir d'ici quelques mois vous dire un grand "YAHOOOOOOOOO, ca y est, il est guéri !" . Je croise les doigts. Vous croiserez les vôtres derrière votre écran ? Elle le mérite grandement. Et son petit ange de 7 ans aussi. Un petit bonhomme en CP passionné de dinosaures !
Ce jour était pesant, car non seulement je revenais au bureau après quelques jours passés à la maison, et donc je revoyais sa place vide, mais aussi car un collègue d'un autre département est venu me demander de ses nouvelles. Nous avons parlé longuement. Il a vécu ce cauchemar il y a 2 ans maintenant, avec son petit garçon de presque 2 ans à l'époque. J'avais donné son numéro de téléphone à ma collègue et il a pu lui parler et lui donner quelques conseils pour l'aider (assurance, organisation, etc...). Là il m'a redonné des informations, je vais pouvoir les transmettre à ma collègue. Mais c'était dur de parler avec lui. Très dur. Il avait besoin de parler. Car tout cela le ramène à 2 ans plus tôt. A tout ce qu'il a vécu, lui, sa femme, sa petite fille, et son petit garçon malade. Son petit bonhomme de 18 mois-2 ans avait la même maladie. Cette saleté de Leucémie. J'en parle au passé, car ce petit bout de chou n'est plus là... J'ai la gorge serrée. Cette discussion avec lui a été éprouvante, mais je pense qu'il en avait besoin. J'ai été à l'écoute, j'ai pris dur, j'ai pleuré, lui aussi, il m'a raconté ses souvenirs, ses souffrances, ses derniers moments de bonheur passés ensemble, ses espoirs, ses déceptions, ses larmes...
Voilà, vous comprenez pourquoi je suis d'humeur triste, le coeur gros.
Alors ce soir, oubliez le mauvais temps, le retour du froid et de la neige qui vous font râler, ou la fin des vacances qui étaient si bien. Oubliez que vous êtes enrhumés, que vous avez un peu mal au ventre ou mal au crâne. Oubliez que le repas était râté ce soir, que vos enfants ont crié et se sont disputés.
Oubliez que vous êtes fatigués.
Oui, oubliez tout cela.
...
Si vous le pouvez, embrassez plutôt sur le front vos enfants qui dorment avant d'aller vous coucher.
♥♥♥